à propos
Jean-Sébastien Rampazzi
Entretien réalisé par Yann Voldoire, mars 2017
"Je cherche constamment davantage de respiration, de silence, de gestes justes, de musique…"
Comment devient-on danseur de tango professionnel ?
Après une enfance dans le sud de la France et un parcours qui le destinait au monde de l’entreprise, Jean-Sébastien Rampazzi a transformé sa passion du tango en métier. Depuis plus de vingt ans, il danse et enseigne le tango argentin en France et à l’étranger.
À quand remonte ton envie de danser ?
Il me semble que j'ai eu envie de danser très jeune, vers 5 ou 6 ans… Mais la première fois que j’ai vraiment pu me lancer, je devais avoir 25 ans. C’était un moment où je remettais en question tout ce que j’avais fait jusque-là. J’ai rencontré le tango par hasard et ça a été pour moi une révélation.
Comment s’est passée cette rencontre ?
De très bons amis, Christophe Lambert et Judith Elbaz, qui étaient professeurs de tango reconnus, m’ont invités à venir voir un de leur cours. J’y allais vraiment sans conviction. Pour moi, le tango était une danse un peu démodée. Mais en participant à mes premières soirées, j’ai découvert un univers fascinant.
Qu’est-ce qui t’a plu dans cette découverte ?
Dès les premiers instants, j’ai su que cette danse était faite pour moi. Le tango m’a permis de me libérer et de me trouver. Cette rencontre a correspondu pour moi à un grand moment de liberté.
Tu as lâché le confort d’un boulot bien payé dans un grand groupe pour choisir le tango. Pourquoi ?
J'ai toujours voulu avoir un parcours différent. Quand j’ai commencé à travailler au siège d’un grand groupe, j'avais tout pour être heureux : mon badge, ma cravate, un bon salaire.... Mais j’ai assez vite eu l’impression d’être un imposteur derrière mon grand bureau. Alors, j’ai démissionné. Ma vie aurait pu être totalement différente, si je n’avais pas fait ces choix-là.
Pourquoi être devenu danseur professionnel de tango ?
Il m’aurait été impossible de ne pas en faire un métier après y avoir goûté. J'ai été complètement happé au bout de quelques mois seulement. J’avais l’impression de voir assez vite ce qui allait et ce qui n’allait pas dans un mouvement. Je sentais que je pouvais avoir une pratique très personnelle du tango. Les propositions de donner des cours à Paris, puis à l'étranger, puis de danser sur scène, sont venues très rapidement…
Quelles sont les personnalités qui ont marqué ton parcours ?
Celui qui m’a vraiment donné envie, c’est Pablo Veron. Dès que je l’ai vu danser, je me suis dit : “Wouhaou, c’est ce que je veux faire”. À l’époque, il était incontournable ! Il a même joué le rôle principal dans un film anglais, en 1996, La Leçon de Tango. Si je n’avais pas vu Pablo danser, je serais peut-être passé à côté. J’ai rapidement pris des cours particuliers avec Teresa Cunha qui, elle-même, avait été formée par Pablo.
Tu parles de tango, mais aussi de piano. Comment la musique influence-t-elle ta pratique du tango ?
Si je n’avais pas croisé le tango, je pense que je me serais orienté vers le piano. J’en ai joué passionnément au moment de mon adolescence. D’ailleurs, au fond, je suis beaucoup plus intéressé par la musique que par la danse ! La musique porte le tango de manière remarquable. En ce moment j’enregistre des nocturnes de Chopin. J’aime plutôt les auteurs classiques : Bach, Scarlatti, Chopin, la musique baroque…
Que t’apporte le yoga par rapport à ta pratique du tango ?
Le yoga contribue à une sorte d'équilibre. Il me permet de me renforcer physiquement et d'affiner ma compréhension corporelle globale. Dans le yoga traditionnel tout est lié ; en le pratiquant, on comprend qu'il est impossible de dissocier le corps de l'esprit. Le yoga me permet de me libérer des tensions qui s'installent parfois dans le tango.
Et aujourd’hui, quel regard portes-tu sur le tango. Quel tango veux-tu enseigner ?
Le tango est devenu mon moyen d'expression, il fait partie de moi. Lorsque une danseuse est dans mes bras, je ressens les moindres détails de ses placements, respirations, tensions… Ça devient très instinctif ! Je souhaite enseigner ce tango-là, sans jamais perdre de vue ce que cherchent mes élèves ; chacun a un parcours singulier et développe une danse très personnelle. Pour ma pratique personnelle, je cherche constamment davantage de respiration, de silence, de gestes justes, de musique, plus de liberté dans l'improvisation, plus de détente, de simplicité.
Pourquoi aimes-tu autant le tango ?
Le tango donne l’occasion de se connecter à soi-même et à une autre personne. Cela permet de partager quelque chose de très intime avec un inconnu. Si je prends une danseuse dans mes bras, je ressens exactement son état moral, si elle gaie ou triste, nerveuse ou déprimée. C’est une discipline d’échange qui demande une écoute hors du commun.